Cultiver le plaisir - Pour le plaisir ... La contre-culture sportive : vers un hédonisme contemporain

KLEIN ALEXANDRE - Chercheur Archives A. Binet Nancy Université - Université Nancy 2, , Doctorant en philosophie ACCORPS/ LHPS Archives H. Poincaré, UMR 7117/ CNRS
6è Rencontre AEEPS/Montpellier -3è Biennale/AFRAPS , 2007

Résumé : Les plaisirs sont au corps, dans le corps, ils lui appartiennent, soit en tant qu’ils s’opposent à la douleur, soit parce qu’ils s’associent, communément, au charnel. Cependant, le plaisir dépasse la simple mécanique, le physiologique et l’anatomique, il est une perception subjective, il est l’œuvre d’un corps pensant, l’objet d’une pensée incarnée, il est un vécu, un rapport au monde et à soi dont le corps est le matériau. A l’image de ce que la dolorité, pour reprendre un terme de Jankélévitch, est à la douleur, le plaisir transcende dans l’incarnation subjective les plaisirs pour se présenter comme une composante de la condition humaine. Dans cet espace du sujet, le plaisir n’est plus pensé pour lui-même, comme but ultime de l’action, dans une forme d’hédonisme grossier, le plaisir ne prend corps que dans l’existence, le temps, autrement dit l’histoire du sujet.

Pourtant dans nos sociétés modernes, occidentales, le plaisir s’est vu glorifié, valorisé, incompris peut-être, réduit à une état d’aboutissement de l’être, un idéal d’absence de souffrance qui faut viser, un critère de bonne vie en tant que summum (en terme d’intensité) du vécu sensoriel et sensationnel du sujet, du se sentir exister, autrement dit du vécu plein de sa subjectivité par le sujet. Il est le point de réflexivité ultime du sujet, au sein de sa propre sphère égologique, en tant que moment de bien-être.

L’exemple des sports dit " extrêmes ", ceux qui sortent du cadre des fédérations, ceux qui ne sont pas reconnus en tant que tel par les instances officielles, nous offrent une vue sur le plaisir moderne, un plaisir où le risque prend sa place, où l’intensification de la sensation passe par le risque, tout en se faisant, comme dans tous sports, dans le temps, par l’exercice, la répétition, l’incorporation de compétences, de techniques, la modification du schéma corporel du sujet pour l’adapter à sa subjectivité sportive.

Les sports extrêmes valorisent la sensation, le ressenti du sujet, jouant donc constamment aux frontières de la douleur, aux limites du corps et de ses possibilités, recherchant la nouveauté ou l’intensité de la sensation. Répondant à une certaine esthésiologie de la modernité, ces pratiques illustrent une articulation bien plus complexe des notions douleur et de plaisir fondé sur un rapport au corps singulier, proprement moderne. tendant parfois, comme le montre des émissions comme Jackass, à glisser vers une valorisation de la douleur pour la douleur.

Pourtant plus essentiellement, c’est dans une forme de rapport éthique à la douleur complexe que se déploie ces nouvelles activités sportives. Elles ont construit un modèle de comportement face à la douleur qui est instructif du rapport de la modernité au corps douloureux. En ce sens, elles peuvent nous permettre de penser le plaisir et la douleur moderne et offre un éclairage nouveau sur la santé ou la médecine.

Du corps extrême au corps douloureux, du skateboard à la médecine, une éthique moderne de la douleur se fait jour, où cette dernière est prise en compte dans un rapport au sujet plus qu’un rapport au corps. De l’atteinte corporelle à faire disparaître, on glisse vers l’épreuve de vie, vers l’accident existentiel à intégrer, à supporter, comme particularisation d’une qualité de l’existence humaine : la dolorité.

De même, le plaisir s’affirme une qualité de la condition humaine se réalisant dans des plaisirs. non dans un dolorisme fort.

Les axes de travail de la Direction Technique Nationale

Hervé Lallement, actuel président de la FFRS débute son intervention à l’assemblée générale de la fédération en mars dernier (17et 18 mars 2007) à la Rochelle en soulignant qu’il est nécessaire de mobiliser le roller autour d’un projet commun. Il concède que " le skateboard est une pratique qui revêt des particularités culturelles et sportives ". Il lui semble donc plus raisonnable de parler de " cohabitation fructueuse " plutôt que d’une " véritable intégration du skateboard ".

Cette difficulté d’intégration du skateboard à une fédération avec tout ce qu’elle a d’officielle, en tête sont rattachement au ministère de la jeunesse et de sports, met en lumière une des caractéristiques principales de ces nouveaux sports de glisse, urbains ou non, apparus lors de la seconde moitié du 20ième siècle : il inclut une part de risque importante, maintenue par l’utilisateur et la pratique même. Tandis que les fédérations font légitimement tout pour développer, faire connaître et reconnaître leurs pratiques, aux yeux du plus grand nombre : la pratique naît, grandit, et se développe en dehors de son champ d’action. La raison principale en est la question du risque. Les fédérations doivent pour rassembler le plus de monde, mettre en avant la sécurité de ces sports dits extrêmes, que le grand public reconnaît, légitimement d’ailleurs, comme dangereux, le plus grand nombre, le risque se voit exclu, minimisé, contrôlé, inspecté, mis au pilori des principes de nos sociétés.