Plaisir et déplaisir - Comme je ne prenais aucun plaisir en EPS, j'ai fait du yoga

DELOBE ANDRE - Jeune Equipe Sant.E.Si.H, UFR-STAPS, IUFM, Montpellier , Docteur es sciences physiques
6è Rencontre AEEPS/Montpellier -3è Biennale/AFRAPS , 2007

Résumé : Dès que j’ai fait de la gymnastique et des sports collectifs en 6e, j’ai souffert de courbatures lorsque je faisais un effort musculaire même faible. Elles se prolongeaient des jours et des jours, et réapparaissaient quand je refaisais le même effort sans que jamais je ne constate le moindre progrès. Ces douleurs m’empêchaient de me concentrer sur mes études puis plus tard sur ma vie professionnelle. De plus, je me heurtais à l’opinion générale qui voulait que les courbatures soient indispensables pour la progression dans le sport. Ni mes parents, ni mes profs d’EPS n’ont été conscients du problème. Avec le recul, je suppose que je souffrais d’une hypersensibilité que l’on retrouve dans la fibromyalgie par exemple.

Vingt ans plus tard, après avoir fait du training autogène de Schultz pour résoudre un certain nombre de problèmes psychologiques et au cours d’une psychanalyse, je me suis mis au yoga. J’ai tout de suite éprouvé un très grand plaisir à cette pratique. J’ai tout de suite recherché dans les différentes postures du yoga les sensations que préconise Schultz (lourdeur et chaleur). J’y suis très bien arrivé dans les positions faciles. C’était très agréable. Pour les postures plus difficiles, le plaisir se produit quand on les quitte.

On peut répartir les méthodes de relaxation en deux groupes : les méthodes générales (où l’on recherche une détente globale, comme dans le training autogène de Schultz ou la sophrologie de Caycedo) et les méthodes analytiques (où l’on contracte puis on détend les muscles actionnant une articulation, méthode de Jacobson). Le yoga apparaît comme classable dans les deux groupes. Outre un grand plaisir, on obtient une diminution des réflexes myotatiques et donc une meilleure souplesse. Il peut apparaître comme une gymnastique où l’on essaye de détendre à peu près tous les muscles (les yeux, les cordes vocales, le périnée, et même le tube digestif, l’œsophage par le " ramonage " et le reste du tractus par la pratique des jeûnes…). Par contre, le yoga, contrairement aux gymnastiques est une recherche de l’immobilité pour " vaincre la mort ".

Les plaisirs apportés par le yoga sont aussi peu décrits que ceux éprouvés lors d’une séance d’EPS (Hayes). Beaucoup de yogistes s’abritent derrière la notion d’énergie qu’ils ont beaucoup de difficultés à définir. Dans mon cas, j’insisterai sur le plaisir de se sentir plus grand, de respirer infiniment plus facilement, d’avoir l’impression que je suis " respiré ", que je suis " agi ". Il m’est aussi arrivé d’avoir des sortes d’hallucinations (proprioceptives, kinesthésiques, visuelles, gustatives et auditives) de quelques fractions de secondes.

Les premiers plaisirs associés au yoga que je viens de citer sont à peu près les mêmes que ceux qu’on peut éprouver lors d’autres pratiques corporelles, en EPS. Cette impression d’être " agi " est probablement comparable à ce qui peut être éprouvé dans le " second souffle ". C’est aussi à rapprocher du sentiment océanique (Freud) et de l’espace transitionnel (Winnicott).

 colloq-2007-le-plaisir-en-epsicon - Texte

Bibliographie:

  • Delobbe A., Le yoga au risque de la psychanalyse et de la science occidentale, L’harmattan, 2000.
  • Hayes G., Introduction à l’étude des plaisirs des pratiquants, in Le développement du sport, Corps et Culture n°1, 1995.
  • Freud S., Malaise dans la civilisation, 1929, trad. Payot, 1965.
  • Marie J-F., Plaisir imaginaire et imaginaire du plaisir in Plaisirs du corps, plaisirs du sport, Corps et Culture n°2, 1997.
  • Vincent J-D., in Hissard M-J. Les relaxations thérapeutiques d’aujourd’hui, tome 2, L’harmattan, 1988.
  • Winnicott D., De la pédiatrie à la psychanalyse, 1958, Trad. Petite bibliothèque Payot, 1965.