Plaisir enseignant / élève - Entre plaisir et souffrance : le parcours d'un enseignant débutant stagiaire en EPS

LOUBET MARINA - Professeure agrégée’EPS, Lycée Montaigne (Paris, 6) , Doctorante à l’UFR STAPS de Montpellier sous la direction de Mr J. Gleyse.
6è Rencontre AEEPS/Montpellier -3è Biennale/AFRAPS , 2007

Résumé : Cette communication est consacrée à la période d’incertitude qui se situe entre le jour de la rentrée scolaire et celui de la titularisation d’un enseignant débutant stagiaire- plus communément appelé PLC2. Le but de cette recherche est d’étudier et de modéliser les émotions d’un PLC2 au cours de son année de formation à l’IUFM. Pour le PLC2, l’expérience première est vécue comme une souffrance. Les émotions éprouvées sont multiples, perturbantes, négatives et sont ressenties comme angoissantes.

Le protocole utilisé est celui de l’autosupervision qui consiste en une rédaction systématique de ses ressentis et de ses actes durant chaque séance d’EPS. Ainsi, le PLC2 a réalisé au cours de son année de formation une monographie. La dynamique de ses états affectifs a été étudiée au cours de l’année scolaire. Les principaux résultats mettent en avant l’impact des émotions sur la réflexion de l’enseignant. Dès la rentrée scolaire, les émotions ressenties par l’enseignant-stagiaire peuvent être qualifiées de négatives car proches de l’anxiété et de l’angoisse. Elles sont très présentes et inhibent totalement la pensée de l’enseignant-stagiaire. Au fil de l’année scolaire, ces émotions négatives s’amenuisent pour laisser place aux émotions positives. Ainsi, plus les émotions positives, agréables procurant la satisfaction augmentent, plus la réflexion du PLC2 est guidée. L’enseignant-stagiaire est libéré et arrive à s’adapter plus facilement d’un point de vue pédagogique, didactique, méthodologique et professionnel.

Une modélisation en plusieurs étapes de l’acquisition des compétences pour enseigner l’EPS a pu être réalisée grâce à une mise en relation des écrits du PLC2 et du modèle du curriculum conatif de G. Bui-Xuân. Elle a permis de mettre en avant l’apparition de trois étapes successives dans l’apprentissage du métier. De la rentrée scolaire jusqu’à mi-décembre, l’étape émotionnelle est prégnante. L’enseignant-stagiaire ne peut activer sa réflexion, la primauté va à ses émotions. Ensuite, le PLC2 entre dans l’étape dite fonctionnelle. La réflexion devient alors possible et l’enseignant-débutant met en jeu des hypothèses concernant sa réussite qui l’engage dans une activité de mise à l’épreuve de son fonctionnement. La dernière étape identifiée dans cette monographie, est nommée étape technique. La recherche de la maîtrise de techniques efficaces va devenir essentielle. Les connaissances des autres deviennent pertinentes et intéressantes.

Une des difficultés du traitement des émotions est que c’est un concept subjectif et dynamique. Il est apparu qu’après chaque retour de vacances, ainsi que la dangerosité de l’activité physique enseignée, un pic d’émotions négatives réapparaissait et inhibait à nouveau la réflexion de l’enseignant-débutant le faisant régresser à l’étape première du curriculum conatif, l’étape émotionnelle. " L’inconscient groupal " est aussi un facteur de régression et d’apparition des émotions négatives. Le PLC2 repasse alors par cette étape émotionnelle afin de se situer à nouveau dans l’étape qu’il a précédemment quittée. Le fait que les émotions négatives réapparaissent ponctuellement ne dissipe nullement le plaisir et les émotions positives ressenties qui évoluent et deviennent prégnantes au fil de l’année scolaire.

La recherche réalisée permet de rediscuter la linéarité du modèle conatif tel qu’il a été présenté dans de nombreux articles par Gilles Bui-Xuân et au contraire d’y substituer une vision oscillatoire ou du moins ondulatoire. En tout état de cause elle ne valide pas l’idée d’un franchissement linéaire d’étapes mais bien au contraire des régressions temporaires, bref une vision plus cyclique des étapes en fonction de la dynamique temporelle. Les seuls éléments réellement différents d’un enseignant à un autre sont la durée des périodes et les seuils d’activation plus ou moins élevés pour franchir chaque étape identifiée du curriculum conatif.