Le plaisir des activités sportives - Sensibilité, mobilisation et plaisir en situation de pratique du volley-ball en EPS

RECOPE MICHEL - MCF, Laboratoire d’Anthropologie des Pratiques Corporelles, Université Blaise Pascal, UFR STAPS , HDR
FACHE HELENE , Agrégée, doctorante STAPS)
6è Rencontre AEEPS/Montpellier -3è Biennale/AFRAPS , 2007

Résumé : L’observation des comportements de joueurs dans les diverses situations formant le cours du jeu en volley-ball conduit au constat d’une grande variété interindividuelle de mobilisation défensive (Marsenach, 1991) mais aussi à celui d’une variété des manifestations émotionnelles. En effet, certains joueurs manifestent une passivité en jeu caractérisée pas des retards ou l’absence de déplacement pour rattraper le ballon quand ce dernier se dirige dans leur camp ou près d’eux, alors que d’autres manifestent une activité débordante, un engagement intense. De même, certains joueurs manifestent des réactions de satisfaction/plaisir lorsque leur équipe ou eux-mêmes marquent un point alors que d’autres manifestent des réactions d’insatisfaction/déplaisir lorsque le ballon tombe au sol dans leur camp. Dans cette communication nous nous centrerons principalement sur le cas de joueurs qui manifestent des réactions d’insatisfaction/déplaisir en jeu et s’engagent activement pour rattraper le ballon avant que ce dernier ne tombe au sol. Il s’agit principalement de qualifier le plaisir ressenti par ces joueurs. Nous cherchons ce qui est sous-jacent à ces deux expressions, autrement dit, ce qui est commun à la mobilisation en défense et au ressenti.

Nous commencerons par préciser la notion de plaisir en replaçant cette notion assez floue, polysémique et multidimensionnelle dans le champ de la psychophilosophie des tendances. Selon Ribot (1896), le plaisir révèle un bien-être immédiat. Le plaisir nous révèle ce qui est utile, la douleur ce qui est nuisible. Le premier accompagne le jeu normal d’une activité, ou d’une fonction, la seconde nous informe que la tendance est insatisfaite, la fonction contrariée. Ce sont de véritables signaux, des indicateurs des besoins de l’être. L’objectif de l’étude est de qualifier ce qui est sous-jacent au plaisir ressenti en situation de pratique du volley-ball par les élèves en EPS. Il s’agit de contribuer à l’analyse des relations entre motricité et affectivité dont témoigne le terme même d’émotion (ex-movere).

Notre analyse s’appuie sur la mise en relation des comportements typiques manifestés en situation chez une population d’élèves d’âge et de niveaux différents et des ressentis correspondants exprimés au cours d’entretiens d’autoconfrontation qui s’appuient sur des matchs filmés. Le traitement des matériaux consiste à construire les indicateurs de la mobilisation défensive, à constituer les catégories thématiques relatives aux ressentis de satisfaction et d’insatisfaction et à identifier, à partir des propos, ce qui est pertinent dans le jeu et selon les circonstances du jeu. Les résultats suggèrent qu’une sensibilité structurante est sous-jacente tant à la mobilisation qu’à la satisfaction chez cette population : nous la qualifions de sensibilité à la rupture de l’échange. Cette sensibilité se révèle phénoménalisante, normative et mobilisante. Une comparaison avec une étude conduite sur un joueur particulièrement mobilisé du plus haut niveau mondial montrera une convergence insoupçonnée ; une autre conduite sur deux autres populations d’élèves (" moyennement " et " peu " mobilisés) suggèrera l’existence d’autres " objets " de sensibilité en situation de pratique.

Cette étude nous conduira à interroger des théories, en particulier les phénoménologies de la vie (Barbaras, à paraître ; Jonas, 2000), en relation avec les dernières précisions de Lazarus sur l’appraisal (2001) et la philosophie de la normativité propre de Canguilhem.