Corps et sport dans la lutte des noirs américains

, 2020

 Dans le " Le cours de l'histoire" par Xavier Mauduit sur France Culture

"Le sport nait, historiquement, dans la société britannique, notamment sur les campus d’universités prestigieuses comme Oxford, Cambridge etc. Donc, le sport est lié dès son origine à une forme d’ethos aristocratique, c’est une activité sociale qui est célébrée pour les classes supérieures. Au fur et à mesure que le siècle avance, le sport se démocratise et devient une activité sociale extrêmement populaire. C’est, entre la fin du XIXe siècle et la fin du XXe siècle, l’une des activités sociales les plus populaires aux États-Unis. Aujourd’hui encore, le sport est particulièrement enthousiasment pour des millions de personnes. Pour les Africains-Américains, le sport est donc une chose intéressante à utiliser au niveau politique, parce que non seulement il peut prouver la dignité du corps noirs, mais également atteindre une visibilité médiatique inédite jusqu’alors. C’est d’ailleurs l’un des objectifs des Noirs Américains : former des athlètes qui pourront, sur la scène médiatique et donc sur la scène politique, prouver l’égalité entre les corps blancs et les corps noirs, à une époque justement où les corps noirs sont considérés comme biologiquement inférieurs.

Ramener la vie sociale noire à des dimensions corporelles est une chose constante dans l’histoire africaine-américaine. C’est une forme de déshumanisation que de dire que les Noirs sont corporellement différents des Blancs, cela permet de fonder en nature leur oppression raciale. Car le discours sur la supériorité supposée des Noirs en sport, permet aussi, inversement, de légitimer le discours sur leur infériorité intellectuelle et donc, de les exclure des postes de décisions, des postes symboliquement, politiquement, économiquement importants dans la société. Par exemple, dans les années 1930 on parle du talon de Jesse Owens, 25 ans plus tard on parlera des chromosomes noirs et puis aujourd’hui on parle des gènes noirs. Mais en réalité, sous des mots différents, ce sont exactement les mêmes processus sociaux qui sont à l’œuvre, ce sont des processus qui légitiment l’oppression sociale". Nicolas Martin-Breteau

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