Cultiver le plaisir - Mieux prendre en compte le plaisir des élèves en EPS

LAVIE FRANÇOIS - Professeur agrégé EPS, Lycée Godefroy de Bouillon, Clermont-Fd , Plaisir en EPS
GAGNAIRE PHILIPPE - Professeur agrégé EPS, Collège Oradou, Clermont-Fd, , Plaisir en EPS
6è Rencontre AEEPS/Montpellier -3è Biennale/AFRAPS , 2007

Résumé : De nombreux auteurs observent une érosion du plaisir dans les cours d’EPS (Davisse et Louveau, Deslaurier, Colin). Pourtant, le plaisir est le ressort de l’apprentissage (Lobrot) et joue un rôle déterminant pour la pratique physique ultérieure (Perrin).

Alors comment mieux prendre en compte le plaisir des élèves en EPS ?

Comprendre les attentes " émotionnelles " des élèves

La convivialité, dans et autour de l’action, représente une attente forte pour tous les élèves quelle que soit l’APSA. Sur la population scolaire étudiée, les élèves privilégient soit la dimension conviviale soit dans une double dimension ludique/conviviale. L’aspect compétitif, traditionnellement central dans les APSA, est relégué au second plan. Donc, ce qui semble plutôt recherché par les élèves, mais également par tout pratiquant (Lefèvre, Loret, Parlebas), c’est la reliance, la quête du lien social, le partage d’émotions dans et autour de l’action.

Programmer les APSA en tenant compte de leur dimension émotionnelle

La programmation traditionnelle des APSA ne tient pas suffisamment compte de l’essence émotionnelle des sports notamment lorsqu’elle survalorise les émotions liées à la victoire dans un défi. Nous proposons deux axes pour catégoriser ces dimensions émotionnelles. Le premier correspond à la forme et à la signification de l’événement : on distinguera l’épreuve, le défi et la rencontre. Le second se rapporte aux modalités qui régissent la victoire ou la réussite (Bui-Xuan) : la mesure, le score, la conformité à un code. En croisant ces deux axes, on obtient neuf types d’expériences émotionnelles ce qui diversifie les formes de plaisir.

Reconsidérer les formes de pratique traditionnelles

Les pratiques habituellement proposées aux élèves en EPS sont pour la plupart dérivées de la pratique sociale de référence. Il s’agit souvent de pratiques en réduction qui ne partent pas de l’élève, des ses motivations, de ses attentes, de ses conations, de ses sensibilités au plaisir mais d’une didactique de l’activité sportive compétitive. Deux voies méritent d’être valorisées :

a) Reludiser les APSA en jouant sur d’autres formes d’organisation.

Parlebas constate que " plus une pratique physique tend à prendre le statut de sport, à se sportiviser, plus elle tend à se déludiser ". Reludiser les APSA devient maintenant une nécessité. C’est par exemple introduire plus d’incertitude dans le résultat, imaginer d’autres formes de comptabilisation de points, réhabiliter les formes de réussite personnelle, inventer des dispositifs originaux, etc.

b) Transformer certaines formes de pratique en modifiant leur impact émotionnel

Tenir compte de la sensibilité au plaisir des élèves est une nécessité pour faire d’eux des pratiquants avant d’en faire des apprenants. Par exemple, la course de durée peut être autre chose qu’une activité de défi/mesure. Elle peut être conçue comme une épreuve/mesure, un défi/score ou encore une rencontre/mesure. Conclusion

Bien sûr ces propositions ne sauraient être exclusives et déconnectées de toute finalité d’apprentissage et d’éducation. Elles doivent être rattachées à une démarche d’enseignement qui se doit d’être sensible au plaisir des élèves afin de favoriser leurs progrès. Le plaisir est pour nous une exigence éthique. Car il n’est pas exclusivement synonyme d’amusement. Et il n’est pas non plus un antonyme de travail, d’effort, de persévérance. Il existe des plaisirs à effets immédiats et des plaisirs à effets différés, des plaisirs " volés " et des plaisirs préparés. Le plaisir n’est pas qu’une satisfaction répondant à un besoin, il est un accomplissement humain. Il est une voie d’accès au monde et aux autres. Le plaisir est éthique dans la mesure où il constitue une attitude face à la vie, mélange de curiosité et de démarche active et patiente.

Pour plus d’informations concernant les auteurs cités se reporter à :

GAGNAIRE Ph., LAVIE F., Cultiver le plaisir des élèves en EPS, une condition pour l’apprentissage, in Ph. GAGNAIRE et F. LAVIE, Le plaisir des élèves en EPS. Futilité ou nécessité ? Coéditions AEEPS - AFRAPS, octobre 2007, p.181 - 195.

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