Vers une didactique du plaisir - Compétences, plaisir, intérêt et effort

GUERRIEN ALAIN - EA 4072 PSITEC " Psychologie : Interactions, Temps, Emotions et Cognition", Université Charles de Gaulle - Lille3
DUFOUR YANCY - EA 4072 PSITEC " Psychologie : Interactions, Temps, Emotions et Cognition", Université Charles de Gaulle - Lille3 , Faculté des Sciences du Sport et de l’Education Physique / Université de Lille2 ¨ Institut d’Orthophonie et Faculté de Médecine / Université de Lille2
MANSY-DANNAY ANNIE - EA 4072 PSITEC " Psychologie : Interactions, Temps, Emotions et Cognition", Université Charles de Gaulle - Lille3 , Faculté des Sciences du Sport et de l’Education Physique / Université de Lille2 ¨ Institut d’Orthophonie et Faculté de Médecine / Université de Lille2
6è Rencontre AEEPS/Montpellier -3è Biennale/AFRAPS , 2007

Résumé : Susciter le plaisir et l’intérêt pour une tâche ou une activité est relativement aisé. Cependant la persistance dans une activité, même si elle a engendré des émotions positives, dépend d’autres facteurs.

Nous n’effectuerons pas avec le même plaisir toutes les activités pour lesquelles nous sommes compétents. Des différences inter-individuelles apparaissent : certains n’ont qu’une passion, une activité à laquelle ils se consacrent sans relâche, d’autres au contraire cherchent le changement perpétuel passant d’une activité à l’autre en explorateurs insatiables.

Pour illustrer les apports de la Psychologie à la problématique de la persévérance dans les activités, nous commencerons par nous interroger sur la notion de plaisir et nous montrerons, en nous basant sur les travaux fondateurs de Berlyne (1960), qu’intérêt et plaisir vont généralement de pair. Reliés aux variables collatives par une fonction curvilinéaire, ils passent par un maximum pour une quantité optimale de nouveauté ou de complexité. Ces valeurs ne sont cependant pas identiques et permettent une modulation dans la recherche d’un maximum d’intérêt ou de plaisir.

Puisqu’intérêt et plaisir sont reliés, rechercher un maximum de plaisir ne permet pas d’occulter la problématique de l’effort. La pratique des APSA n’amène pas qu’à des efforts physiques, les efforts mentaux sont présents aussi : dans la prise d’information, les décisions, les stratégies. Chaque type d’effort peut être source de plaisir. Ces plaisirs divers peuvent ne pas être tous effectifs en même temps mais si une source de plaisir fait toujours défaut, les conditions ne seront pas remplies pour qu’émerge une motivation intrinsèque, seule garante de la persistance dans l’activité. De plus, comme nous l’avons nous-mêmes montré (Fourchard et al, 2001) pour le premier degré, la motivation peut s’émousser à long terme, alors même que les APS remplissent les conditions situationnelles pour être motivantes, si l’idée de projet collectif n’est pas présente. Le projet collectif permet de satisfaire un besoin fondamental à la personne : celui de l’appartenance sociale qui, avec le besoin de compétence et celui d’autodétermination, constitue une trilogie incontournable pour le sentiment de bien-être (Ryan et Deci, 2001).

Les conceptions eudémonistes, qui se sont imposées ces dernières années en Psychologie de la Santé, mettent en valeur l’importance de respecter la satisfaction de ces besoins généraux de la personne et rompent avec les idées hédonistes qui prônaient la simple multiplication des plaisirs. Ainsi pour se sentir bien, il ne suffit pas d’éprouver n’importe quel plaisir, il y a des besoins plus fondamentaux à satisfaire. C’est cette structure sous-jacente au plaisir qui est déterminante.

Cette dynamique du plaisir ne peut se mettre en mouvement qu’à certaines conditions et dans une ambiance non contrôlante. L’idée de contrainte fait naître bien des contresens. Une ambiance pédagogique contraignante c’est une ambiance qui ne permet pas l’autodétermination, c’est-à-dire qui n’autorise aucun choix personnel. En ce sens, l’absence de contrainte ne doit pas être confondue avec l’absence d’effort. Le plaisir n’émerge pas de l’effort contraint, il suppose l’effort librement consenti, celui qui permet de s’accomplir, d’apprendre et d’éprouver des sensations. Parfois, cependant, alors que toutes les conditions favorables sont réunies, les activités que nous pratiquons n’amènent qu’à un plaisir éphémère. Nous savons que l’idéal de l’ " Honnête Homme " n’est plus accessible. Nous ne pouvons pas maîtriser toutes les connaissances et nous ne pouvons pas nous adonner à toutes les activités. Si nous avons un besoin fondamental de maîtrise de notre environnement, il nous reste à comprendre comment nous passons de ce besoin général de compétence à des choix de compétences. C’est une question fondamentale en matière de développement et d’éducation : quelles sont les différentes compétences dont nous disposons et pourquoi certaines activités plutôt que d’autres nous paraissent propres à les exercer ?

Cette question théorique peut d’ailleurs rejoindre une autre question passionnante mais très peu étudiée : y-a-t-il des attitudes devant l’effort transférables d’une activité à l’autre ? Si comme nous le pensons la réponse est positive, nous pouvons alors faire l’hypothèse qu’apprendre aux élèves à gérer leur orientation motivationnelle constitue un enjeu éducatif majeur pour l’EPS.

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Bibliographie :

  • Berlyne D.E. (1960). Conflict, Arousal and Curiosity. New York : Mc Graw - Hill.
  • Fourchard F., Mansy A., Leconte-Lambert C. (2001). Les effets d’un dispositif d’aménagement du temps sur la motivation de l’enfant à l’école élémentaire. Revue de Psychologie de l’éducation, 3, p.24-48.
  • Ryan R.M., Deci E.L. (2001). On happiness and human potentials : a review of research on hedonic and eudaimonic well-being. Annual Review of Psychology, 52, p.141-166.