Cher·ères collègues et futur·es collègues,
Après un premier ouvrage remarqué, sorti en 20221, Guillaume Dietsch2 vient de signer un nouveau livre particulièrement stimulant : Les Jeunes et le Sport. Penser la société de demain, aux éditions De Boeck Supérieur3.
Comme le souligne d’emblée Isabelle Queval dans sa belle préface, ce livre impressionne par sa « remarquable amplitude » (p. 4).
En dix chapitres d’une douzaine de pages chacun, G. Dietsch réussit en effet le tour de force de présenter un panorama complet des questions et réflexions relatives à la jeunesse et au sport, montrant en quoi celles-ci sont connectées aux enjeux de société.
Pour l’auteur, les jeunes ont « un rôle essentiel à jouer dans la conduite du changement, dans la création et l’innovation à travers le sport pour penser une société plus égalitaire, plus coopérative, permettant l’intégration, favorisant la mixité, l’inclusion, le bien-être, plus durable aussi et relevant un défi éthique à l’ère de l’accélération technologique. » (p. 16) Telle est la thèse principale travaillée dans ce volume que chacun pourra parcourir comme une grille de lecture des questions sociétales hypervives4 de notre époque, au premier rang desquelles figurent la cohésion sociale et l’écologie : « face à la crise sociale et environnementale actuelle, il y a urgence à penser un autre modèle de société autour d’enjeux de réduction des inégalités, de préservation de l’environnement et du vivre-ensemble. Le sport en tant que champ social peut être partie prenante de cette transformation. » (p. 40)
En plus des enjeux sociaux et climatiques, l’auteur explore la thématique des jeunes et du sport à l’aune de phénomènes à l’état naissant, aux conséquences encore imprévisibles, telle la révolution technologique en cours qui réoriente l’activité physique des pratiquants vers plus de digitalisation5 et de virtualisation6 (p. 133).
Le sport électronique – ou e-sport – comme le métasport posent aujourd’hui un « défi éthique et démocratique majeur » (p. 25) qui ne manque(ra) pas d’interpeller notre discipline, à laquelle G. Dietsch consacre par ailleurs un chapitre entier : Les Jeunes et le Sport à l’école : transmission d'une culture ou promotion de la santé ? (pp. 54-66)
Professeur agrégé d’EPS, formateur à l’UFR STAPS de Créteil, notre collègue y promeut une EPS émancipatrice articulant des approches holistiques de la culture corporelle et de la santé : physique, mais aussi psychologique et sociale (pp. 55-57).
Pour lui, l’émancipation par l’EPS consisterait à « rendre progressivement l’élève autonome au niveau de sa motricité, lui donner les clés pour pouvoir pratiquer seul ou à plusieurs dans sa vie physique future. » (p. 58) Le plaisir procuré par l’activité physique serait la condition d’un engagement durable : « c’est l’accumulation d’expériences corporelles et les "traces positives et mémorables" laissées en EPS qui peuvent permettre aux élèves de tisser un rapport durable à l’activité physique. Ces "traces" doivent alors être sources d’émotions mais aussi d’apprentissages. » (pp. 150-151) Vous reconnaîtrez ici des références explicites au travaux de Plaisir et EPS, groupe ressource de notre association.
Plus généralement, tout au long de cet ouvrage très documenté, G. Dietsch s’appuie sur une riche bibliographie professionnelle ainsi que sur les recherches scientifiques les plus récentes pour alimenter ses analyses.
Son propos, érudit, allie clarté et profondeur. Il permet au lecteur de rendre le réel saisissable, de nourrir ses réflexions tout en proposant quelques pistes pour le présent et l’avenir.
Car Guillaume Dietsch est un collègue engagé.
Son précédent livre, co-écrit avec Serge Durali, ses tribunes publiées dans la presse, ses multiples interventions pour l’AE-EPS, ses articles de fond diffusés sur le site de The Conversation, ont ce point commun de ne jamais céder à la facilité, de prendre le temps de l’étude méthodique des enjeux, de donner une large place à la nuance tout en faisant systématiquement l’objet de perspectives possibles7.
Et quoi de plus précieux, à l’heure du triomphe des slogans, des polarisations idéologiques, des esprits vitrifiés8, que de soumettre à l’intelligence collective des idées de fond permettant de faire face à nos multiples défis ?
Signalons d’ailleurs, pour finir, qu’une autre force de ce livre – et non des moindres – est de s’adresser à un large public.
Il suscitera en effet l’intérêt des étudiants en STAPS, des éducateurs, des professeurs d’EPS, des formateurs mais aussi des jeunes eux-mêmes, de leurs parents, des acteurs politiques...
Chacun pourra le lire à sa guise.
Celui pressé ou n’ayant que peu d’appétence pour les supports écrits y circulera librement ; il le feuillètera, le lira puis le relira en un ordre différent, les dix parties pouvant être parcourues indépendamment les unes des autres.
Mais il est tout aussi possible de se plonger dans cet ouvrage en suivant le cheminement de la pensée de G. Dietsch, que l’on peut qualifier de « complexe » au sens où l’entend Edgar Morin9, chaque chapitre répondant aux autres dans une démarche systémique.
« Les livres les plus utiles sont ceux dont les lecteurs font eux-mêmes la moitié ; ils étendent les pensées dont on leur présente le germe ; ils corrigent ce qui leur semble défectueux, et fortifient par leurs réflexions ce qui leur paraît faible », écrit Voltaire dans la préface de son Dictionnaire philosophique10.
Vous l’aurez compris, j’encourage chacun d’entre vous à découvrir Les Jeunes et le Sport. Penser la société de demain, puis à faire cette autre moitié du chemin.
Bien amicalement,
Stéphane Sapin — Président de l’AE-EPS Paris-Île-de-France