Bistrot péda. n°50 : « L’EPS et le sport au corps à corps », avec G. Vigarello et A. Hébrard

, 2022

Georges Vigarello

Historien, philosophe et sociologue, Directeur d'études à l'École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS)1

Alain Hébrard

Professeur des Universités, Inspecteur général honoraire (ex-Doyen du groupe EPS)2

Cher·ères collègues et futur·es collègues,

Georges Vigarello et Alain Hébrard nous fait l'honneur de co-intervenir jeudi 29 septembre 2022 dans le cadre de notre 50ème Bistrot pédagogique. Celui-ci a porté sur le thème : « L’EPS et le sport au corps à corps ».

« Les acteurs du présent ont le devoir et la liberté d’inventer le monde de demain, ce qui souvent revient à résoudre des problèmes anciens dans un contexte différent et avec des moyens nouveaux », écrit A. Hébrard dans la préface du livre de Serge Durali et Guillaume Dietsch qui vient de paraître3.
C’est dans cette optique que le projet d’Assises Nationales de l’EPS (piloté par l’ENS de Rennes) s'est inscrit, sur la base d’une large et ambitieuse consultation qui a abouti, les 26 et 27 mars dernier, à une restitution nationale4.
Parmi les obstacles qui nuisent au développement et à la spécificité de notre discipline, à sa lisibilité auprès des usagers et de l’opinion publique, les répondants au questionnaire ont notamment pointé la confusion entre le sport et l’EPS, ce qui est loin d’être nouveau.
Or, si aujourd’hui la question : « en tant qu’objet culturel, le sport doit-il faire l’objet d’un enseignement ? » ne se pose plus, la question : « doit-il être le seul objet enseigné quand le corps est en jeu ? » se pose plus que jamais, avec d’autant plus d’acuité d’ailleurs que « le statut du corps, du sport, de l’activité physique dans les contenus d’enseignement de l’EPS est l’objet de débats axiologiques. »5
Nous pouvons ainsi nous demander si la sportivisation de l'EPS, que l'on connaît depuis plus d'un demi-siècle, prépare réellement nos élèves à des lendemains soumis aux montées de l'individualisme, d’une « civilisation du corps »6, d'une forme d'hygiénisme, mais également au développement de pratiques sportives en plein renouvellement.
 
Ce Bistrot pédagogique nous a offert l'occasion d'une rencontre exceptionnelle pour mieux comprendre et échanger sur ces questions toujours vives de l’identité (introuvable7 ?) de notre discipline, de ses objets d’étude8, du « foyer mythologique » des professeur·es d'EPS9.

Vous trouverez ci-dessous la vidéo de l'exposé de Georges Vigarello. Nous vous en souhaitons un bon visionnage.

Bien amicalement,

Stéphane Sapin — Président de l'AE-EPS Paris-Île-de-France,
Pour le groupe de pilotage régional

Nous écrire : aeeps.paris@gmail.com
Nous suivre sur « X » : @AeepsIDF

Visionner l'exposé de Georges Vigarello :

 
1. Georges Vigarello est historien, philosophe et sociologue, Directeur d'études à l'École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS).
L’ensemble de son travail porte sur l’histoire des pratiques corporelles et des représentations du corps. Parmi ses nombreux ouvrages, signalons : Histoire de la fatigue, du Moyen-Âge à nos jours, Paris, éditions du Seuil, 2020 ; Le Sentiment de soi. Histoire de la perception du corps (XVIème - XXème siècles), Paris, éditions du Seuil, 2014 ; Histoire du corps, trois volumes codirigés avec Alain Corbin et Jean-Jacques Courtine, Paris, éditions du Seuil, 2005-2006 ; Techniques d'hier… et d'aujourd'hui, Paris, co-édition Revue EPS et Robert Laffont, 1988.
2. Alain Hébrard est Professeur des Universités et Inspecteur général honoraire (ex-Doyen du groupe EPS).
Le comité de rédaction de la revue Enseigner l’EPS l’a interviewé, chez lui, le 28 septembre 2021. Un compte rendu complet de cette rencontre a été publié en mai 2022 sur le site de l’AE-EPS : Montaigne dans les Cévennes... Rencontre avec Alain Hébrard, Saint-Mandé, éditions AE-EPS.
3. Hébrard, A. (2022). « Une histoire pour quoi faire ? », in Durali, S. & Dietsch G., Une Histoire politique de l'EPS, du XIXème siècle à nos jours, Louvain-la-Neuve, De Boeck Supérieur, pp. 9-11.
4. « Le point de départ de ce projet était d’avancer collectivement, face aux différentes pressions et tensions vis-à-vis de l’EPS, mais aussi de dépasser certaines oppositions en son sein, qui peuvent nuire à sa visibilité et à son développement. L’objectif était donc d’échanger sur ce qui nous est "commun", ce qui nous rassemble et d’imaginer ce que pourrait être l’EPS de demain, face aux enjeux auxquels elle est – et sera –  confrontée. » Gottsmann, L. (2022). « Synthèse des Assises Nationales de l’EPS à Rennes », revue Enseigner l’EPS, n°Hors-Série (juin), p. 3.
5. Tribalat, Th. (2014). « Éducation physique "et" sport », revue Enseigner l’EPS, n°264 (octobre), p. 4. 
Jacques Ulmann avait formulé cette même idée : « Quoi que l’objet de l’éducation physique soit le corps, ses intentions à l’égard du corps ou, ce qui revient au même, les perspectives dans lesquelles elle considère le corps, varient. » Ulmann, J. (1993). Corps et civilisation. Éducation physique, médecine, sport, Paris, Librairie philosophique J. Vrin, p. 55.
6. Cette « civilisation du corps » dans laquelle « travailler le corps serait, plus que jamais, se fabriquer ; le "retrouver", serait, plus que jamais, se "retrouver". » Vigarello, G. (2015). « Le corps contemporain, une recherche d'identité », revue Esprit, n°415 (juin).
7. « [L’EPS] est une discipline qui est toujours en train de se construire au mieux des intérêts de la société. Mais quand on demande ce qu'elle est, on est en difficulté […]. Très difficile de la nommer, de l'identifier, de lui mettre une pancarte. » Hébrard, A. (2022). Montaigne dans les Cévennes..., op. cit., p. 32.
8. Nous vous recommandons de consulter, à ce sujet, les réflexions et les propositions que le CEDREPS (groupe ressource de l’AE-EPS) développe depuis plusieurs années. 
Voir, par exemple, Les Cahiers du CEDREPS, n°15 : Objets mis à l’étude des élèves en EPS, corporéité et valeurs de l’école : d’autres perspectives pour l’EPS, Saint-Mandé, éditions AE-EPS, 2016 (190 pages) et Les Cahiers du CEDREPS, n°18 : Options, notions, démarche du CEDREPS pour l'EPS de demain. État de la réflexion, éditions AE-EPS, 2022 (112 pages).
9. « Ce que le philosophe Cornelius Castoriadis appelle le "foyer mythologique" d’une profession, et bien pour moi, en ce qui concerne l’EPS, c’est : le corps humain est habité par un sujet qui a une dignité, il est sacré. C’est en ce sens que vous êtes à la pointe du combat. Parce que vous êtes ceux qui, avec les élèves, travaillez sur cet enjeu majeur du corps. Et, dans un monde où le "corps viande" est en train de prendre le dessus sur le "corps digne", quand vous montrez que le corps est habité par un sujet et, qu’à ce titre, il ne peut pas être manipulé, il ne peut pas être l’objet de quelqu’un d’autre, c’est profondément subversif, c’est profondément révolutionnaire et c’est profondément salutaire. Réfléchissez-y, parce que je pense que ça vaut le coup de considérer cette dimension anthropologique de votre métier. » Meirieu, Ph. (2021). Faut-il désespérer de la pédagogie ?Bistrot pédagogique, n°49, Paris, Le Lutèce (jeudi 25 novembre).
Dans son dernier livre, Didier Delignières propose quant à lui de reconnaître la proximité de l’EPS avec le sport en parlant plutôt d’Éducation Sportive : « Je suis entièrement d’accord avec le SNEP qui affirme clairement que les APSA constituent les objets d’étude de l’EPS (Couturier, 2015 ; SNEP 2014). […] Poser le corps comme spécificité justifiant la place de l’Éducation Physique à l’École a sans doute eu du sens à certains moments de l’histoire de la discipline. Rester crispé sur cette identité est sans doute moins pertinent aujourd’hui. » Delignières, D. (2021). On peut toujours penser autrement… L’école, l’université, l’éducation physique et sportive, Paris, Éditions EP&S, pp. 132, 234-235.
Enfin, Serge Durali et Guillaume Dietsch défendent de leur côté l’idée d’une « voie médiane permettant de concilier la nécessaire et indispensable transmission culturelle et l’impérative amélioration de la motricité globale de l’élève dans une EPS qui parviendrait à faire le lien effectif entre les deux. […] Les APSA et le Corps sont les objets d’étude de la discipline. » Durali, S. & Dietsch G. (2022). Une Histoire politique de l'EPS, op. cit., p. 354.
 

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