Bistrot péda. n°49 : « Faut-il désespérer de la pédagogie ? », avec Philippe Meirieu

, 2021

Philippe Meirieu

Professeur émérite en Sciences de l’éducation à l’Université Lumière-Lyon 2

 

Cher·ères collègues et futur·es collègues,

Dans le contexte de crises multiples que nous traversons, à une époque où la difficulté croissante d’enseigner est largement ressentie1, doit-on céder au découragement ?
Non, répond résolument Philippe Meirieu2 dans son stimulant Dictionnaire inattendu de pédagogie (2021, ESF-Sciences humaines éditeur), même s’il y constate, à juste titre, que « les pédagogues d’aujourd’hui peinent à assumer la responsabilité qu’on leur confie quand, par ailleurs, la société toute entière fonctionne sur des valeurs complètement contradictoires avec celles qu’on leur demande de transmettre. »3

Alors, à l’inverse de l’idéologie actuelle qui fait du marché la solution à tous nos problèmes, l’École doit « montrer la voie et faire de la réflexion collective le creuset d’un travail sur une éducation plus juste et plus ambitieuse. »4 C’est pourquoi l’AE-EPS s’engage pour contribuer à notre devoir de résistance face au capitalisme pulsionnel et à la montée de l’individualisme social qui gangrènent notre société5. Pour, finalement, permettre à l’École de prendre le contre-pied de la température ambiante, de jouer un rôle thermostatique6.

Parce qu'en ces temps incertains les rencontres sont plus que jamais essentielles, pour ne pas étouffer, pour sortir de nos certitudes, pour s'ouvrir à l'altérité7, nous avons eu le grand plaisir d'organiser jeudi 25 novembre 2021 notre 49ème Bistrot pédagogique, avec Philippe Meirieu, sur le thème : « Faut-il désespérer de la pédagogie ? ».

« Coincée, à l’université, entre la sociologie et la didactique, méprisée par la philosophie, récupérée par les théories du "développement personnel", phagocytée par les neurosciences, mobilisée à tous moments par les politiques et les médias qui ne cessent de vouloir "faire de la pédagogie", cette dernière semble aujourd’hui peiner à trouver son statut et à développer un discours crédible. On sait bien qu’elle n’est pas une science… on se demande si elle est un art… on s’interroge sur son caractère transmissible… on la suspecte d’ouvrir la voie au "pédagogisme"… quand ce n’est pas d’être responsable de l’effondrement du niveau… Qu’en est-il vraiment et peut-on encore raisonnablement tenir aujourd’hui un discours pédagogique, en EPS et ailleurs, qui soit un discours sensé ? » Ph. Meirieu
 
Dans son précédent livre, Ph. Meirieu annonçait : « Je partirai donc sans avoir rédigé une grande synthèse. Mais en léguant à ceux et celles qui voudront bien s’en saisir quelques balises pour ne pas désespérer. »9

Nous avons été très heureux·ses d'avoir accueilli au Lutèce une centaine de collègues et d'étudiant·es pour échanger avec lui sur ces quelques balises.

Vous trouverez ci-dessous les vidéos de l'exposé liminaire de Ph. Meirieu – que nous remercions à nouveau chaleureusement – et des débats qui ont suivi (avec, entre autres, les interventions de Pierre Parlebas et de François Lavie).

Bien amicalement,

Stéphane Sapin — Président de l'AE-EPS Paris-ÎdF,
Pour le groupe de pilotage régional

Nous écrire : aeeps.paris@gmail.com
Nous suivre sur Twitter : @AeepsIDF

 

Visionner l'exposé et le débat (playlist de six vidéos) :

 
1. Nous en avions notamment parlé avec la sociologue Anne Barrère lors de notre 46ème Bistrot pédagogique : « Bouger ou changer ? Enseigner au temps des réformes... » (Paris, Le Lutèce, jeudi 27 février 2020).
2. Philippe Meirieu est Professeur émérite en Sciences de l’éducation à l’Université Lumière-Lyon 2. Chercheur et militant en pédagogie, il précise dans son dernier livre : « Si je revendique bien volontiers le titre de "pédagogue" pour décrire mon activité, je recours plutôt, pour définir le métier que j’ai exercé pendant plus de quarante ans dans diverses institutions, à l’expression d’"enseignant-chercheur". Et j’assume parfaitement l’ordre des deux termes : "enseignant" d’abord et "chercheur" ensuite. » Meirieu, Ph. (2021). Dictionnaire inattendu de pédagogie, Paris, ESF-Sciences humaines éditeur, pp. 212-213.
3. Meirieu, Ph. (2021). Dictionnaire inattendu de pédagogie, p. 141 (entrée « Découragement », pp. 139-144).
4. Meirieu, Ph. (2018). Pédagogie : le devoir de résister. 10 ans après !, Paris, ESF-Sciences humaines éditeur, p. 33.
5. Philippe Meirieu avait été le « Grand témoin » de notre Journée Jean Zoro 2018. Lors de sa conférence de clôture, il avait dénoncé les dérives de notre société, notamment la « domination du capitalisme pulsionnel » et la « montée de l’individualisme social ». Face à celles-ci, il avait affirmé que « construire du collectif est une priorité absolue », reconnaissant par là même la fécondité de l’intelligence collective promue par l'AE-EPS. Meirieu, Ph. (2018). « Enseigner l’EPS aujourd’hui… en banlieue et ailleurs », JJZ 2018 : Enseigner l’EPS dans les banlieues… et ailleurs. Quelles difficultés ? Quels leviers pour les dépasser ?, Bobigny, samedi 24 novembre.
6. « En 1981, Neil Postman, qui avait écrit quelques années plus tôt de fortes pages pour exalter la fonction subversive de l’enseignement, publie en France Enseigner, c’est résister. Il explique que l’École a un rôle thermostatique et doit, en quelque sorte, prendre le contre-pied de la température ambiante : quand dominait une société normative avec une pression familiale, religieuse et morale qui plaçait les individus en position d’assujettissement systématique, l’éducation devait avoir une fonction critique et émancipatrice. Mais, maintenant que tous les systèmes normatifs ont volé en éclats, maintenant que plus personne n’ose imposer de normes aux enfants, il reviendrait à l’éducation en général, et à l’École en particulier, de fournir les systèmes de contraintes nécessaires à toute vie sociale. » Meirieu, Ph. (2018). Pédagogie : le devoir de résister. 10 ans après !, p. 11.
7. Voir, à cet égard, la belle entrée « Clinamen » du Dictionnaire inattendu de pédagogie, pp. 117-125.
8. Meirieu, Ph. (2020). Ce que l’école peut encore pour la démocratie. Deux ou trois choses que je sais (peut-être) de l’éducation et de la pédagogie, Paris, Autrement, p. 36.
 

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