Bistrot péda. n°58 : « Quelle laïcité voulons-nous ? », avec Pierre Kahn et François Micheletti

, 2024

Pierre Kahn

Philosophe et historien de l’éducation
Professeur émérite en Sciences de l’éducation à l’Université de Caen

François Micheletti

Inspecteur général de l’éducation, du sport et de la recherche, groupe EPS

Cher·ères collègues et futur·es collègues,

Nous avions choisi d’orienter les thèmes de nos Bistrots pédagogiques 2024-2025 sur des questions socialement vives1.
Ainsi, après une première soirée centrée sur les finalités de l’École, avec Philippe Meirieu2, nous avons eu le grand plaisir d'accueillir jeudi 5 décembre 2024, au Lutèce, une centaine de participant·es pour débattre avec Pierre Kahn3 et François Micheletti4 autour de la question de la laïcité5. Car cette dernière, omniprésente dans les prises de parole des responsables politiques6, interroge aussi concrètement nos pratiques professionnelles quotidiennes.

Au cours de ce Bistrot péda., Pierre Kahn a cherché à nous garder de la panique morale7 que la question laïque semble si souvent provoquer : « La "passion française" de la laïcité ne gagne rien à rester exclusivement passionnelle et profiterait beaucoup, en revanche, de l’effort d’y mettre un peu de raison. […] Je continue d’espérer qu’une analyse, même informée, même théorique, peut contribuer à éclairer une question si confusément débattue et qu’il n’est pas nécessaire de rester ignorant pour continuer à en débattre. »8

Après cette mise en perspective, François Micheletti a apporté un éclairage ciblé plus spécifiquement sur l'EPS, montrant qu’« en tant que discipline d’enseignement au sein du service public du Ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse, [elle] incarne à travers son identité disciplinaire et sa spécificité au sein de l’École les enjeux d’une République "indivisible, laïque, démocratique et sociale".
L
a liberté, l’égalité et la fraternité sont consubstantielles de la matrice disciplinaire de l’EPS qui donne du sens et du corps à ces principes républicains par l’acquisition de compétences motrices, méthodologiques et sociales.
C’est par l’éducation du corps par le corps que tous les élèves vivent et s’enrichissent d’expériences motrices mobilisant en acte des compétences psychosociales dans des contextes variés de pratiques physiques, sportives et artistiques en EPS et dans ses dispositifs sportifs et d’enseignement complémentaires.
La laïcité est donc vécue en acte en EPS, mais le rapport au corps qu’elle implique peut parfois confronter les enseignants à des dilemmes professionnels face à des situations d’évitement d’élèves refusant de s’engager et de s’exposer corporellement dans des contextes incompatibles avec leurs croyances religieuses. »

Nous adressons à nouveau nos chaleureux remerciements à P. Kahn et F. Micheletti pour la complémentarité de leurs interventions.
Nous vous invitons à présent à (re)vivre ces riches échanges grâce aux vidéos et aux diaporamas ci-dessous. 

Bien amicalement,

Stéphane Sapin — Président de l'AE-EPS Paris-Île-de-France,
Pour le groupe de pilotage régional

Nous écrire : aeeps.paris@gmail.com

 

Visionner l'exposé de Pierre Kahn :

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Visionner l'exposé de François Micheletti :

Télécharger le diaporama

 

1. « Apparues dans les années 1980, les questions vives devenues "socialement vives" de par l’impact qu’elles suscitent sur les apprentissages, introduisent peu à peu, par leurs controverses et leurs incertitudes, une déstabilisation des savoirs enseignés et à enseigner, jusqu’à générer un conflit potentiel dans la transmission des savoirs et des valeurs à l’École. » Chauvigné, C. & Fabre, M. (2021). Questions socialement vives : quelles approches possibles en milieu scolaire ?, Paris, Armand Collin, p. 15.
2. Meirieu, Ph. (2024). Quelle École voulons-nous ?, 57è Bistrot pédagogique de l’AE-EPS Paris Île-de-France, Paris, Le Lutèce (mardi 24 septembre).
3. Pierre Kahn a été le coordonnateur du groupe chargé auprès du Conseil supérieur des programmes de la rédaction des nouveaux programmes d'enseignement moral et civique.
Il a publié en 2023, aux éditions ESF-Sciences humaines, Quelle laïcité voulons-nous ? Essai sur la laïcité et ses possibles (208 pages).
4. François Micheletti était intervenu au Lutèce en 2021, avec André Canvel, sur : Les valeurs au cœur du métier d’enseignant mises en perspective avec le concours du CAPEPS externe, 47è Bistrot pédagogique de l’AE-EPS Paris Île-de-France, Paris, Le Lutèce (jeudi 23 septembre).
5. En 2015, nous avions déjà consacré un Bistrot pédagogique à la thématique de la laïcité : Auduc, J.-L. (2015). Les enjeux de la laïcité aujourd'hui, 26è Bistrot pédagogique de l’AE-EPS Paris Île-de-France, Paris, Le Lutèce (jeudi 26 mars).
6. Lors de sa déclaration de politique générale devant les députés, le 30 janvier 2024, Gabriel Attal a par exemple affirmé dans la dernière partie de son projet pour l’École : « Réarmer notre École, c’est réaffirmer nos valeurs. Car je crois que la transmission du savoir est impossible sans respect de l’autorité. Sans respect de nos valeurs républicaines – au premier rang desquelles, la laïcité [...]. On ne négocie pas avec la République. On l’accepte et on la respecte, en entier, sans, mais, sans la moindre exception ! ». Le 13 mars 2024, G. Attal a estimé que la laïcité était « menacée, probablement aujourd’hui plus que jamais. Elle a ses ennemis, ils sont politiques, religieux. Mais elle a aussi ses défenseurs : nos professeurs, nos fonctionnaires, nos forces de l’ordre. » (entretien avec l’Agence France Presse)
Dans sa déclaration de politique générale du 1er octobre 2024, Michel Barnier a à son tour annoncé, parmi ses « propres lignes rouges » sur les questions de société, qu’il ne tolérerait « aucun accommodement sur la défense de la laïcité ».
7. « Il y a panique morale, en somme, toutes les fois qu’est mis en scène le récit dramatisé et anxiogène de la République assaillie, que la critique se transforme en anathème, que les postures politiques emphatiques se prennent dans l’insouciance du droit, que les invectives ou les condamnations péremptoires se substituent aux arguments et les solennelles déclarations de principe au travail de l’analyse. » Kahn, P. (2023). Ibid., p. 22.
8. Kahn, P. (2023). Ibid., pp. 22-24.
 
 

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